POP TALK sur la Sexualité en Guadeloupe
- Taleenah
- 16 août 2020
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 28 oct. 2020

J'ai gentiment été invité à un Pop Talk organisé par la webradio PetitSelFm, le mercredi 5 Août 2020.
Webradio qui a vu le jour pendant le confinement grâce à de jeunes guadeloupéens (Mirlynn JASMIN, Lilian LIGARIUS, Nancy STRAZEL, Soraya LIVEZE) entre Hexagone et Guadeloupe pour lutter contre l'isolement et aborder des sujets divers et variés.
C'est la première fois qu'ils le faisaient sous ce format et je suis très contente d'y avoir participé.
Le sujet du jour était « La Sexualité en Guadeloupe : entre Tabou et Hypersexualité ».
Très intéressant.
Pour ceux et celles qui ne pouvaient pas faire le déplacement, il était possible de suivre les échanges grâce à une diffusion en direct avec un lien disponible sur Mixlr, une application radio.
Une autre intervenante était présente, Mélanie JACOBIN, une sexothérapeute et praticienne du Tantra.
Instagram : @mlaniejfree
Site : www.melanie-jacobin.com
Bien sûr le thème du Talk a généré beaucoup d’avis, beaucoup de réactions des personnes présentes et le débat s’est ouvert sur d’autres sujets tels que nos danses, notre carnaval, notre musique … Autant de points sur lesquels il y aurait, en effet, énormément à dire et qui mériteraient une réflexion plus approfondie quant aux origines et le rapport avec notre sexualité ou hypersexualisation.
En ce qui me concerne, c’est tout d’abord le mot « hypersexualité » qui m’a fait réagir. C’est un terme qui pose problème car selon moi, c’est la résultante d’un tas de stéréotypes cumulés au fil des siècles, attribués à la communauté noire et par extension à la communauté antillaise.
Concept qui remonte, à n’en pas douter, à la période coloniale générant ainsi par la suite ce phénomène de fétichisation des corps noirs.
Comme tout le monde le sait, à l’époque de l’esclavage, les hommes noirs étaient vus comme de la main d’œuvre solide, robuste, infatigable de par leur physique mais aussi comme des reproducteurs, des bêtes avec des attributs sexuels soi-disant hors norme.
Les hommes noirs ont souffert de l’exploitation sexuelle au même titre que les femmes.
Qu’on le reconnaisse ou non, cette idée s’est bien ancrée dans l’inconscient collectif.
Aujourd’hui encore, beaucoup de stéréotypes persistent. Notamment celui de l’infidélité chronique chez l’homme antillais, par exemple, qui ne pourrait manifestement pas s’empêcher d’aller voir ailleurs à cause d’un appétit sexuel qui serait incontrôlable ou parce qu’il serait « programmé » ainsi.
Les femmes noires subissent elles aussi les restes de cette exploitation.
En tant que femme noire antillaise ayant vécu en France plusieurs années, j’ai moi-même dû faire face à des remarques déplacées. Lorsqu’on me demandait d’où je venais, ou quelles étaient mes origines, j’ai appris que nous étions perçus par certaines personnes comme des « femmes chaudes », des « chaudasses », des femmes qui aiment le sexe, des « filles faciles ».
Il y a une violence sous-jacente dans ces propos et il est difficile d’y être confronté, on ne sait pas forcément comment y réagir.
Prenons également les qualificatifs liés au monde animal, par lesquels les femmes noires sont souvent appelées : « tigresse », « lionne », « panthère noire » …
À priori, ce sont des compliments pour ceux et celles qui les utilisent, cependant, en creusant un peu, ce n’est qu’une façon de plus de jouer sur le côté « sauvage » et « exotique » qui nous est attribué et qui au final déshumanisent plus qu’ils ne flattent.
D’ailleurs, cela est devenu tellement commun, qu’on se retrouve dans notre propre communauté à employer ces termes entre nous.
Malgré nous, sans le vouloir, nous représentons un fantasme pour certaines personnes.
Une sorte d’adoration malsaine du corps noir, tant celui de la femme que celui de l’homme.
Il y a un énorme travail de déconstruction de la pensée qui doit être fait pour que les choses changent et cela ne peut évidemment pas se faire du jour au lendemain.
Il s’agit, tout d’abord, en ce qui nous concerne, de nous réapproprier notre histoire, nous réconcilier avec nous-même pour ensuite mieux contribuer à cette réhabilitation dans le monde actuel.
Malheureusement, par manque de temps, le sujet du Tabou dans la sexualité n’a pas été réellement abordé durant le Talk.
Par exemple, pourquoi existe-t-il dans la plupart des familles antillaises ?
Est-ce que notre passé fortement marqué par l’exploitation sexuelle, la stigmatisation de nos corps n’a finalement pas engendré en partie, cette pudeur, ce silence dans les générations suivantes ?
Nos grands-parents ou nos aïeuls ne parlaient pas de sexe avec leurs enfants. Et ce manque de communication a perduré. On peut alors se demander si de nos jours, les grossesses non désirées chez les jeunes filles, les comportements à risques, les lacunes en terme de contraception, l’absence d’éducation sexuelle en sont les conséquences.
À nous et aux générations futures de casser ce cycle, de libérer la parole, et d’instaurer un dialogue franc avec nos enfants.
C’est un sujet très vaste dont on ne peut pas faire le tour en 2h, mais il a eu le mérite de faire réagir et de peut-être ouvrir un peu plus les esprits et pousser à la réflexion.
En espérant qu’il y ait pleins d’autres Pop Talk tout aussi intéressant.
Pour ceux et celles que cela intéresse, les livres suivants ont été conseillés durant les échanges par Mélanie et moi-même :
- « La légende du sexe surdimensionné des noirs » écrit par Serge BILÉ, journaliste et écrivain franco-ivoirien, qui aborde très bien le sujet de l’hypersexualité et des stéréotypes sur la sexualité des noirs.

- « Sexe, Race et Colonies – La domination des corps du XVe siècle à nos jours» de Pascal BLANCHARD, Nicolas BANCEL, Gilles BOETSCH, Dominique THOMAS, et Christelle TARAUD. Livre qui retrace l’histoire des représentations des corps racisés, violentés et fantasmés durant des siècles.
- Un autre dont on a pas parlés mais qui aborde bien le sujet également "Psychologie des Comportements Sexuels aux Antilles" d'Errol NUISSIER.
Et vous ? Quel est votre avis sur le sujet ?
TALEENAH
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