" L'Amour à la Créole "
- Taleenah
- 18 juin 2020
- 4 min de lecture

Ce livre est un recueil de 8 nouvelles érotiques martiniquaises écrites par un auteur nommé Pyrrha DUCALION. On ne sait pas qui se cache derrière ce pseudonyme qui s’inspire de la mythologie grecque, de l’histoire de « Deucalion et Pyrrha » qui est l’équivalent du mythe du déluge dans la Bible.
Un livre « Pour toutes celles et tous ceux qui ignorent encore la beauté de l’amour à la créole » comme le dit l’épigraphe.
Car, il est question ici de parler de la présence de la langue créole dans les relations amoureuses et sexuelles.
D’ailleurs, cet ouvrage et son sujet m’ont immédiatement fait penser à la chanson « Ki Lang Ou Palé » de Jude JEAN sur l’album de Haitian Troubadours (à écouter ci-dessous). S’il devrait y avoir une Bande Originale, ce serait celle-là.
« Di’m ki lang ou palé lè wap fè lanmou ? »
(traduction : Dis-moi quelle langue tu parles quand tu fais l’amour ?)
Alors que la Martinique est un territoire créolophone par excellence, il apparaît qu’il y ai comme un complexe, un malaise à utiliser le créole dans un contexte amoureux, dans la drague.
Page 64. « … c’est que séduire en créole parait impossible. »
Pourquoi ne trouvons nous pas notre langue assez belle ou romantique pour séduire ? Mais surtout d’où vient ce malaise ?
Je pense que c’est juste une histoire d’éducation. Beaucoup ont grandi avec l’interdiction de parler créole à la maison, encore moins aux parents et aux adultes en général, ceci étant vu comme un manque de respect, et l’enfant en question, comme un « timoun/ich malélivé » (un enfant mal-élevé).
Et, une fois adulte, si on s’exprime en créole pour aborder quelqu’un, il y a de gros risques de passer pour un/une « bwabwa », c’est-à-dire une personne sans éducation surtout si c’est dans le cadre de la séduction.
Pire, si on est une femme.
Page 30. « … cette femme qui parle créole, va se laisser faire. C’est connu, c’est une manière d’appel que de parler dans cette langue avec un homme. »
Page 109. « Elle ose même se livrer en créole lorsqu’elle koke (baise) avec lui. Ce dernier ne peut supporter une telle « vulgarité ». Il la somme de se taire et de ne plus recommencer cette débauche verbale digne d’une manawa (pute). »
Une femme passerait donc pour « facile » ou vulgaire, si elle s’exprime dans la langue de son île. Dieu, que c’est réducteur, et surtout ridicule.
Cependant, je dois avouer que certains passages m’ont tout de même dérangé.
De mon point de vue, pendant l’acte, il ne semble pas trop réaliste de dire à chaque phrase, ou chaque instant, les mots « koukoun’ », « kal » ou « tet’ kal » ou « lolo ». Est-ce que les personnes qui font réellement l’amour en créole, le font comme ça, je ne sais pas. Il peut y avoir de la subtilité dans le créole, et là, il en manque clairement.
Même en français, est-ce que les gens disent et répètent « chatte », « bite », « couilles » ou « queue » à tout bout de champs lors d’un rapport ?
Je reste dubitative.
Le bon côté de ce livre, c’est d’y lire du créole, de le voir écrit. Beaucoup le parlent, mais ne savent pas forcément l’écrire correctement. Et puis, pour les non créolophones, tout est traduit en français. C’est notre culture et notre héritage, il est important de le conserver et de le pérenniser.
Et puis, du coup, on y apprend le vocabulaire sexuel, comme par exemple, que « papalam » est la traduction pour cunnilingus. Mais, il y aussi de simples échanges entre 2 personnes et une invitation que j’ai trouvé particulièrement charmante :
Page 16. « Bel jennfi, man sé lé mennen’w fè an won an lakou tjè mwen ek koulé anlè tout’ ti ko’w, siwo myel pawol mwen » (Belle jeune femme, je souhaiterai te faire voyager dans la cour de mon cœur et laisser couler sur ta peau le miel de mes paroles)
Sur les 8 histoires que comptent ce recueil, il y en a 3 qui ont un dénouement totalement inattendu, ce qui moi m’a donné un sentiment de travail bâclé ou abrégé maladroitement.
Par contre, j’ai trouvé le thème de la dernière nouvelle plutôt intéressante, le sexe chez les Séniors.
On en parle pas, ou pas assez, car il faut l’avouer, ça reste un sujet tabou.
Page 176. « Vyékò pa ka fè viss ankò ! Sé malélivé yo ka fè épi Viagra ! Yo ni ka pran chaplé yo ek prédyé ! » (Les personnes âgées ne font plus l’amour ! Elles s’adonnent au péché à l’aide du Viagra ! Qu’elles se tournent vers la prière avec leur chapelet !)
Pour finir, je dirai simplement que ce n’est pas un livre à mettre entre toutes les mains, car il pourrait en effet mettre mal à l’aise ces personnes qui font ce petit blocage de langue quand il s’agit d’amour ou de sexe, mais ça reste une lecture tout de même accessible.
Bonne Lecture.
亚博体育 亚博体育 亚博体育 亚博体育 开云体育 开云体育 开云体育 开云体育 乐鱼体育 爱游戏体育 华体会体育 华体会体育