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" Dyablès "

  • Photo du rédacteur: Taleenah
    Taleenah
  • 18 juin 2020
  • 11 min de lecture




TiMalo est né a Bouillante, en Guadeloupe. Son parcours professionnel ne le destine pas à une carrière d’écrivain. Cependant, déjà en 1994, TiMalo monte et anime un atelier d’écriture au sein de son école d’ingénieur. Mais c’est lors de slam sessions organisées par SlamBlag en 2006 que TiMalo comprend la place particulière que tient le créole dans son art, et en particulier la résonance de la langue auprès de son public. Il est l’auteur :

- de deux recueils de poèmes, "Pawòl a lòm vo lòm" (2007), et "12 textes dans l’avion" (2009)

- d'un concept-album "Dé Moun" (2012) dans lequel il raconte des points de vues divergents sur le LKP pendant le mouvement social de 2009 à travers une histoire d'amour

- de "Rèbèlòt" la première nouvelle que TiMalo publie en créole qui complète le concept-album.

Son premier album "Pawòl Funk-Kè" (2008) est récompensé par le prix Auteur de la Sacem Guadeloupe en 2010 et illustre bien son attachement au créole, et son style percutant. "Dyablès" est son premier roman.

(Source site internet www.dyables.net et www.timalo.com )

1er volet sorti en 2015.

Sur la 4e de couverture vous pouvez lire le texte suivant :

Kimoun ki té ké kwè on jou, nonm té ké touvé yo pè fanm an péyi Gwadloup ? On lè, fanm touvé-yo las pran kou anba men a nonm. On lè, yo désidé répliké é mèt-yo ka varé nonm, ka foré nonm, ka kyouyé nonm... A kou dan !"

Traduction :

"Qui eût cru qu'un jour les hommes auraient peur des femmes en Guadeloupe ? Un jour, les femmes en ont eu marre de se faire battre par les hommes. Elles ont décidés qu'elles allaient répliquer, et se mettre à leur rentrer dedans, les blesser, les tuer... à coups de dents !"

Clairement, un ras-le-bol des femmes face aux violences domestiques subies.

« Mwenn ti bab, mwenn ti pawol, fo-yo ja lévé men si-w. Enpé fanm té ka pwan kou an Gwadloup. Fanm entélijan, fanm enstwi, bèl fanm, fanm ki sav sa yo vé é ki pa pè di-y. Fanm ki ni kouraj, fanm ki ni pasyans, fanm ki ni dousè, fanm ki ni fòs, tout kalté fanm té ka pran kou an Gwadloup. Fanm ki las sipòté é ki pa pè di-y. »

« A koud kyòk, a koud senti, a koud kouto, yo ka démoli séla-menm ki ka fè tout sosyété-la kyenn doubout. Men afòs konnyé si potomitan, sé syèl ki ka fin pa tonbé si tèt a-w. » (page 170-171)

Traduction :

« À la moindre dispute, à la moindre petite parole de travers, il faut déjà qu’ils lèvent la main sur toi. Beaucoup de femmes se faisaient battre en Guadeloupe. Des femmes intelligentes, des femmes instruites, de belles femmes, des femmes qui savent ce qu’elles veulent et qui n’ont pas peur de le dire. Des femmes qui ont du courage, des femmes qui ont de la patience, des femmes douces, des femmes fortes, tout type de femmes se faisaient frapper en Guadeloupe. Des femmes qui ne le supportent plus et qui n’ont pas peur de le dire.»

« À coups de poings, à coups de ceinture, à coups de couteau, ils détruisent celles-là même sur qui toute la société repose. Mais à force de taper sur les piliers, c’est le ciel qui finira par tomber sur ta tête.»

Il y a justement 2 scènes que j'ai trouvé assez violentes dans le livre et qui m’ont particulièrement stressées et qui mettent en scène des agressions envers deux des personnages féminins de l’histoire. Une dispute qui se transforme en bagarre entre une jeune femme et son petit ami (page 83-84), et une bagarre qui tourne en tentative de viol impliquant une jeune femme et trois hommes (page 172-174).

An té ka sipoté onlo atoupannan man té ka li

Et là, elle se révoltent, et se "transforment" pour rendre les coups. "Yo ka mofrazé". Expression créole pour parler de cette métamorphose que subissent les femmes dans ce livre.

Car, oui, on parle de dents acérées qui déchiquètent la peau, d'une posture plus vraiment humaine, d'une façon de se déplacer qui ferait penser à celle d'une bête sauvage. La population s'interroge d'ailleurs sur le phénomène. Des gens, hommes et femmes, disparaissent. Des crimes sauvages sont commis.

Est-ce une maladie, un virus qui ne touche que les femmes ? Ou une malédiction qui les frappe ? Ou est-ce simplement le moyen de défense (ou plutôt d'attaque) qu'elles ont trouvés afin de se venger des hommes ?

Plusieurs personnages dont les principaux se croisent et se rencontrent :

**Jak (Jacques), jeune apprenti : c’est l'année de son Bac de Français au Lycée Gerville Réache.

Il est décrit au début du livre, « gra kon kochon siyanm » (« gras comme un cochon »).

Et au cours de l’histoire, on peut constater son évolution physique. « Afòs antrenné, Jak té pèd bon enpé kilo é kò a-y té vin pi kòsto. Bra a-y té pi solid, vant a-y té pi plat. E bajòl-la ki té ja ka koumansé pran lanmen asi manton a-y té disparèt. I té ka kyenn doubout a-y myé. Jak pa té ka sanm on bébé-kadòm ankò. » (page 107)

Traduction :

« À force de s’entraîner, Jacques avait perdu pas mal de kilos et son corps avait pris du muscles. Ses bras étaient plus forts, son ventre plus plat. Et le double menton qui avait commencé à se former avait disparu. Il avait une meilleure posture. Jacques ne ressemblait plus à bébé cadum. ».

**Il est confié, sur les recommandations de sa grand-mère, Man Sisin, aux soins de Klod (Claude) dit Klòd-LèFou, qui sera ce qu’on peut appeler son mentor, il est décrit comme « on gran-nonm mens é ho » (un homme d’âge mûr grand et mince »).

« Chivé a-y té ja ka koumansé blanchi, é moustach-la ki té ka baré figi a-y la, té ka sanm on mòso jèks afòs i té ni pwèl blan adan […] Sé sa tousèl ki té ka fè Jak sav, Klòd-LèFou té ja ni on laj. Pas boug-la té ni pèkto, abdo é biskoto a on jenn atlèt. » (page 31)

Traduction :

« Ses cheveux commençaient déjà à blanchir, et la moustache imposante sur son visage ressemblait à un morceau d’éponge à récurer à cause de tous les poils blancs […] C’est uniquement cela qui permettait à Jacques de dire que Claude le Fou avait un certain âge. Parce-que le gars avait les pecs, les abdos, et les biscotos d’une jeune athlète.»

Homme qui a des aptitudes et des connaissances sur des choses que le commun des mortels ne soupçonne même pas et qui a pour mission de préparer, et d’entraîner le jeune Jacques pour ce qui est en train de se passer. Lui transmettre son savoir.

On pourrait alors croire que la grand-mère de Jacques soit a eu un bon pressentiment, soit savait exactement ce qui allait bientôt arriver, comme l’indique ses dernière paroles.

« Sa pé parèt-vou rèd a kwè, men an pé di-w ni biten pi enpòwtan alèkilé ki bak fransé. An ka èspéré i pa two ta. » (page 15)

Traduction :

« Ça peut te sembler difficile à croire, mais je peux t’assurer qu’il y a plus important que le Bac de Français en ce moment. J’espère qu’il n’est pas trop tard.»

**Gabriyèl (Gabrielle) et Jésika (Jessica), deux sœurs.

Jessica est décrite de cette façon : « Sè à Gabriyel sé té on bèl fanm » (« La sœur de Gabrielle était une belle femme »)

« Apapoudi Jésika sé té on fanm ho men i té i on bon wotè. E davwa lòks a-y té ja gran alè, sa té ka wouba-w lenprésyon i té pi gran ankò.» (page 79-80)

Traduction :

« Ce n’est pas que Jessica était une femme très grande mais elle avait tout de même une belle taille. Et vu la longueur de ses locks, ça donnait encore plus l’impression qu’elle l’était.»

Sa « disparition » va d’ailleurs accélérer le rythme de l’intrigue.

En ce qui concerne Gabrielle, qui est, à mon sens, la vraie héroïne de l’histoire, on apprend que leur père, Michel, l’a élevé, elle, comme un garçon. Il lui a appris entre autre à chasser le gibier, fabriquer des pièges à crabes, manier la fronde et tirer avec un fusil. C’est comme si ça avait été, sans le savoir, une préparation physique et mentale pour les événements et péripéties qu'elle allait vivre pour retrouver et sauver sa sœur.

« Pap’a Gabriyèl lévé-y kon tigason. I ba-y on non a nom […] »

Au lycée, elle a même pris des cours de boxe française.

« Gabriyèl té koumansé aprann bòksé lawvwè i té an lisé Benbridj. Kò a-y pa té mové. Pwofésè a-y té ankourajé-y a kontinyé é i té pran lison a bòks fransé. » (page 129)

**Autres personnages :

Erik Fawnaz, professeur de mathématiques au collège, fils d’Emil Fawnaz, surnommé Terminator.

Paskal, anciennement dans l'armée, mari de Yolèn, enceinte, et sœur d’Erik.

Olivyé (Olivier), petit ami de Jessica.

Pour en revenir à ce phénomène surnaturel qui touche les femmes de l’ïle, rien ne nous explique vraiment le pourquoi du comment. Cela reste un mystère.

« Men Klòd té ja konpwann on biten : maladi a tifi-lasa a pa té kon tout maladi. Pa té ni pon viwus, pon baktéri ki té kapab mofwazé on moun konsa […] E Klòd té ja vwè sa ki té ka afèkté timoun-la, té ka rantré an nanm a-y menm. Es sé té on malédisyon, ès sé té pousuivasyon a kyèk zèspri, oben sé mofwazé timoun-la té ka mofwazé poutoutbonvré ? » (page 106)

Traduction :

« Mais Claude avait déjà compris une chose : la maladie de cette fille n’était pas comme toutes les maladies. Il n’y avait aucun virus, aucune bactérie qui était capable de transformer quelqu’un comme ça […] Et Claude savait que le mal qui touchait l’enfant avait même pénétré jusqu’à son âme. Est-ce que c’était une malédiction, est-ce qu’elle était tourmentée par un esprit, ou est-ce qu’elle se métamorphosait pour de vrai ?»

La fin du livre laisse deviner une suite, ce n’est, en effet, que le début de cette nouvelle ère instaurée par ses femmes qui se sont « révoltées ».

Avec le 2e volet intitulé « CHANNDA », disponible depuis le début du mois de Septembre, « DYABLES » devient alors une série littéraire fantastique en créole de surcroît.

Dans l’un des articles de son blog, TIMALO nous apprend que le 2e opus sera plus orienté sur ces femmes et leur nouveau mode de vie en autarcie dans la montagne, qu’elles se sont appropriées.

« Channda » signifie : partir précipitamment, se volatiliser.

Je viens de recevoir mon exemplaire et je suis impatiente de m’y mettre !

En date du 13 Octobre 2018, votre bloggeuse préférée (moi, donc) a d’ailleurs participé au shooting photo, avec 4 autres modèles féminins, qui avait pour but de fabriquer les visuels pour la partie promotion de ce nouveau livre et surtout pour la couverture (sur laquelle j’apparais).

Les photographes :

Instagram : @anaiscolors

- MacoJaune : Instagram : @macojaune


Tout est simplement partie d’une annonce, à laquelle j’ai répondu, lancée sur Twitter par Macojaune, qui disait être à la recherche de modèles féminins afro-descendants âgés entre 18 ans et 70 ans, pour une séance photo afin d’illustrer un roman en créole.

À cet instant, je ne me doute pas qu’il s’agit de la suite de DYABLES. Le hasard faisant bien les choses, je venais de me procurer le 1er volet, il était juste en attente de lecture. J’étais, de ce fait, d’autant plus heureuse en découvrant l’objet du shooting.

Les photographes, l'auteur, les autres modèles, et moi-même, nous sommes donc retrouvés à crapahuter dans les bois, un samedi matin afin de trouver le spot parfait pour essayer de recréer l'univers du livre.

Nous étions armés de machette pour certaines, et maquillées avec du faux sang pour d'autres.

Toute une mise en scène !

Je suis ravie d’avoir vécu cette petite expérience, et ravie du résultat. Je ne pensais pas être un jour aussi fière d’être un marque-page !

À l’heure, où il y a une importante mobilisation contre les féminicides et une réelle prise de conscience, cette série littéraire, sous couvert de fiction, parle bien d’émancipation de la femme et de la lutte contre les violences domestiques.

Les violences faites aux femmes, elles, n’ont rien de fictionnelles, et les chiffres en témoignent largement.

Dans un article web publié sur le site DOMACTU le 25/11/2013, il est écrit que “les derniers chiffres de l'INSEE montrent que 1,2 million de femmes de 18 à 75 ans ont subi des violences physiques ou sexuelles sur deux ans (2010-2011). En moyenne, 220.000 femmes par an ont été victimes de violences conjugales, mais moins d'une sur trois s'est déplacée à la police ou à la gendarmerie. Une étude du Ministère de l'Intérieur a estimé que 148 femmes sont mortes en 2012, victimes de leur conjoint ou ex conjoint, soit une tous les 2,5 jours. En Guadeloupe, 6 femmes ont succombé aux coups de leur conjoint ou en ex conjoint, l'an dernier", c'est-à-dire en 2012.

Dans un autre article cette fois, de Guadeloupe 1ère publié le 03/09/2017 sur leur site internet, il était dit que les actes de violences conjugales étaient en augmentation. En effet, le Ministère de l'Intérieur venait publier un rapport à ce sujet, mais à l'échelle de la Guadeloupe, on enregistre environ 600 plaintes, pour violences conjugales, chaque année, selon le Parquet.

En Guadeloupe, depuis le 1er janvier 2018, 900 femmes ont été victimes de violences physiques, 300 ont été menacés, 24 femmes majeures et 32 mineures ont été violés. Il y a eu 4 tentatives d'homicides sur des femmes. Et bien sûr, il ne s'agit là que des cas recensés par la Préfecture de Guadeloupe.

Le 17 Septembre 2019, le site officiel de la Préfecture de Guadeloupe a publié un article sur la lutte contre les violences faites aux femmes avec des chiffres alarmants.

« Selon les services de police et de gendarmerie en Guadeloupe, sur les huit premiers mois de l’année, le nombre de femmes victimes de violences s’élève à 1 134, ce qui représente une augmentation de 6% par rapport à 2018 sur la même période. Ces chiffres se déclinent comme suit :

  • 765 femmes ont été victimes de violences physiques, contre 747 en 2018 sur la même période ;

  • 276 femmes ont fait l’objet de menaces ou chantages contre 220 en 2018 ;

  • 3 femmes ont été séquestrées en 2019 contre 1 en 2018 ;

  • 32 femmes majeures ont été victimes de viols contre 20 en 2018 ;

  • 20 viols ont été perpétrés sur des mineures contre 31 en 2018 sur la même période ;

  • 13 cas de harcèlements sexuels et autres agressions sexuels ont été enregistrés contre des femmes majeures contre 11 en 2018 ;

  • 24 harcèlements sexuels et autres agressions sexuels contre des mineures, contre 38 en 2018 ;

Il y a eu 1 tentative d’homicide à l’encontre des femmes enregistré sur les huit premiers mois de l’année et 2 en 2018 à la même période. »

Il suffit d’ailleurs de taper dans la barre de recherche Google, "crimes passionnels en Guadeloupe" pour avoir une effrayante longue liste de faits divers. Et la jeunesse n'est pas en reste, loin de là, il ne faut pas croire que ce type de comportement est réservé aux couples mariés ou personnes d'âges mûrs.

J’en profite pour rappeler la définition de ce qu’est un « crime passionnel ». C’est une expression qui désigne un meurtre ou une tentative de meurtre dont le mobile avancé par le tueur est la passion ou la jalousie amoureuse. La victime est généralement une personne que le tueur dit aimer l'ayant trompé ou s'étant séparé de lui. Ne serait-il donc pas plus juste peut-être de plutôt appeler cet acte un "crime possessionnel" ?

« Samannta, diznévan, boug a-y kyouyé-y a koud fizi, i an jounal-la. Korin, karannsétan, boug a-y ni sékantan, i koupé gòj a fanm-la. I an jounal osi. Lidi, pran sèz kou kouto pas i ay fè malè a-y ba nonm-la on biyé-palapenn. Tousa an jounal-la. » (page 63)

Traduction :

« Samantha, dix-neuf ans, son copain l’a tué à coup de fusil, c’est dans le journal. Corinne, quarante-sept ans, son compagnon âgé de cinquante ans, l’a égorgé. C’est dans le journal aussi. Lydie, a pris seize coups de couteau parce qu’elle a fait le malheur de rompre avec son copain. Tout ça est dans le journal. »

25 Novembre : Journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes.

Pour conclure, c'est un roman très prenant, le début d'une série qui promet pleins d'émotions, et une belle façon de parfaire son créole. On croit à tort qu'on sait le parler et l'écrire alors qu'il y a tellement de subtilités. Je le lisais d'ailleurs à haute voix afin de bien prononcer les mots et expressions et m'en imprégner, la lecture fut vraiment un réel plaisir pour moi, en plus de l'intrigue.

Je vous le conseille !

Vous pouvez commander les livres sur le site de Ti Malo et les recevoir directement chez vous !











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