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" Dlo-Coucoune ou Éloge du Désir Amoureux "

  • Photo du rédacteur: Taleenah
    Taleenah
  • 18 juin 2020
  • 8 min de lecture





« Une pincée de quimbois

Mélangée à la Foi,

Du sexe, de l’émoi,

Ce livre est fait pour toi. »


Une belle introduction, pleine de promesses …

C’est un recueil de contes créoles mélangeant érotisme et folklore antillais, sorcellerie et quimboiseries avec énormément d’humour.

Le « quimbois » ou « kenbwa » étant la pratique de magie noire aux Antilles.

Le titre plus qu’évocateur a, en fait, un double sens. En effet, d’une part, le « dlo-coucoune » fait référence au liquide sécrété à l'entrée du vagin de la femme lorsqu'elle est en état d'excitation sexuelle, appelé aussi « mouille » ou « cyprine ». D’autre part, il fait référence à une potion d’amour magique, un fort sortilège pour amener l’homme que vous convoitez à n’avoir d’yeux que pour vous.

J’y reviendrai dans le détail plus loin.

La deuxième partie du titre « Éloge du désir amoureux », fait soi disant référence à un autre ouvrage écrit par un certain Etterual Sam-Ellimac (page 38). En fait, ce n’est que l’anagramme du nom (juste inversé) de l’auteure, elle-même, Laurette Mas-Camille. Ce même désir (amoureux ou matériel) ou pulsions simplement sexuelles qui nous pousseraient à faire appel à des forces occultes pour être satisfait et obtenir ce que l’on désire ou qui nous plongeraient malgré nous dans des situations plutôt sombres que l’on ne contrôle pas et qui nous mettent en danger.

Ce livre compte donc 7 petites histoires, chacune traitant soit d’une créature surnaturelle faisant partie du folklore antillo-guyanais, soit d’une pratique magique, avec à chaque fois, des passages très coquins décrivant des scènes de sexe, très imagées et plutôt émoustillantes. Les contes se déroulent tantôt en Martinique, tantôt en Guadeloupe, et même en Guyane. L’auteure fait également preuve de beaucoup d’humour et prend souvent le lecteur en aparté pour s’adresser directement à lui, le taquiner ou faire des remarques personnelles. Expressions créoles « francisées », et autres créolismes pullulent pour notre plus grand plaisir. Comme des petits clins d’œil que nous ferait l’auteure. De plus, l’ouvrage est ponctué de petits dessins illustrant une ou deux scènes par conte, réalisés par Lucilia Deluge, qui permettent de s’immerger encore mieux dans les récits.

Le premier conte reprend donc le titre du livre « Dlo-Coucoune », et il y est bien question de la potion magique pour rendre fou d’amour un homme, que « deux sœurs malpropres comme le jour » vont utiliser sous les conseils d’une soi-disant vieille veuve mystérieuse, qui s’avéra n’être autre que la Diablesse Rose.

Et à la fin, on peut même y trouver la recette officielle, comme suit :

« Après sept jours sans se laver

Une fois que le sang a coulé

Et que la lune veut monter,

Sans savon, frottez, nettoyez

Le creux de votre intimité.

Puis, dans un récipient versez

L’eau trouble et sale récoltée.

Sept jours durant il faut laisser

La crasse grise se déposer.

Puis la fleur du corossolier

Et noix de muscade ajoutez.

Lors sept jours encor attendez

Et faire boire à l’être aimé

Curieux liquide macéré.

Avec le reste bien humecter

Votre corps nu en son entier.

Ainsi viendra sans hésiter,

Le soupirant tant désiré

Déposer son cœur à vos pieds.

Alors heureuse vous vivrez

Comblée et sans jamais manquer

De bonheur et de félicité. »

Prenez bien note, Mesdames et, Faites bien attention Messieurs.

Le deuxième conte, lui, raconte l’histoire d’un homme ayant un commerce prospère grâce à son « élevage de soucougnans » ou « soukounyan ».

Le « Soukounyan » appelé aussi « volan » étant, généralement, un petit vampire traditionnellement issu d’un œuf pouvant prendre l’apparence d’une boule de feu.

(page 57) « Les boules de feu ! C’était le seul moyen que possédaient ces petites créatures pour voyager à travers le monde. Elles étaient semblables à des petites coques flamboyantes et leur vitesse était celle de la lumière. »

Et ces petites créatures étant donc d’excellents voleurs, de par leur taille, vous ramèneront tout ce que vous voulez.

A la fin de cette histoire, vous trouverez également la recette pour vous créer votre petit monstre personnel. Mais attention, il y a évidemment une contrepartie.

A vos risques et périls, vous êtes prévenus.

« Si dans ta vie à chaque instant

Tu cherches sans trouver comment

Manger et mettre sous la dent

Jambon et bouts de pain croquants

Prends œuf quelconque doucement

Dessous le bras précisément

Couve et re-couve tendrement

Trois semaines, heure seulement,

En récitant les mots charmants

Un petit être yeux devant

Yeux derrière, fort obéissant,

Te donneras l’or et l’argent

Que désires si ardemment

Son nom est Mister Soucougnan.

Point ne crains le pacte de sang

Tu auras bien assez de temps

Pour profiter heureusement. »

Et pour connaitre les dits « mots charmants » à réciter pour compléter la formule, il vous faudra vous procurer le bouquin.

Le troisième conte met en scène cette créature bien connue qui fait tant trembler les hommes : la Diablesse. Une femme très belle (pour attirer plus facilement ces messieurs, bien sûr ; faibles créatures …) mais ayant les jambes recouvertes de poils et des sabots de cheval ou de bouc kabrit ») à la place des pieds.

Elle cherche à s’accoupler avec un homme pour assurer sa descendance, et prendre l’âme de ce dernier pour la donner à son mari, le Diable.

Cette histoire pourrait, sans aucun doute, servir de morale sur l’adultère, et qui sait, dissuader les maris volages comme le personnage masculin qui se fait avoir ici.

Le quatrième conte se déroule en Guyane, qui a aussi sa part de folklore, notamment, avec un petit être surnaturel, petit génie (maléfique ou pas, je n’en suis pas si sûre finalement) que l’on nomme « Baclou ».

(page 106). « Elle se retrouva pourtant devant un flamboyant bleu magnifique au pied duquel se tenait un tout petit bonhomme, assis sur une racine, et qui la regardait avec un sourire malicieux.[…] Vétu d’un petit pagne de couleur bleue […] et de deux belles chaussures en cuir à bouts pointus, il avait la peau plissée comme un jupe d’écolière et très sèche. Son visage était mangé par deux gros yeux ronds-ronds comme des billes et jaune pamplemousse. […] Des deux côtés du front trônaient deux magnifiques oreilles très bien proportionnées, qui bougeaient sans discontinuer dans tous les sens. Et son nez ! Son nez ! C’était un long appendice qui pendouillait salement jusqu’à la fin de son menton, qui était bien évidemment en galoche. Chose curieuse et écœurante, il n’avait pas de bouche proprement dite, mais une petite cavité sans dents qui s’ouvrait à peine […] »

Ce petit génie donc peut exaucer tous vos souhaits d’argent, de pouvoir etc. à condition que vous lui livriez un enfant en bas âge (obligatoirement de moins de 2 ans), enfant qui sera rendu après (il vous faudra lire le livre pour savoir le pourquoi du comment, bah oui, le but n’est pas de tout vous dévoiler non plus).

Ce conte m’a fait penser à l’un de ceux des frères GRIMM, mettant également en scène un nain maléfique du nom de RUMPELSTILZCHEN (en allemand ; « RUMPLESTILTSKIN » en anglais) qui passe un accord avec une jeune paysanne, qu’il aide à devenir reine, en lui faisant promettre de lui donner son fils premier né en échange de ses services. A la différence que dans cette histoire, c’est pour le nain que ça finit mal, contrairement à celle avec le Baclou.

Je dirai que la morale de cette histoire est de toujours tenir ses engagements et promesses, et de toujours honorer un contrat/pacte, d’autant plus, s’il a été établit avec des forces/êtres surnaturels.

Le cinquième conte relate la mésaventure d’un « Gadè dzaffè », un voyant/médium (pour les non créolophones). De mon point de vue, cette histoire peut servir de morale sur la nécessité ou pas de se venger.

Le sixième conte se base sur une soi-disant légende concernant la grotte de Sofaïa à Sainte-Rose, en Guadeloupe. Sofaïa était connue pour ses bains sulfureux (avec du soufre). Aujourd’hui, le bassin a été remplacé par des douches aménagées, très prisées, car l’eau est réputée pour ses vertus dermatologiques. Site que j'ai découvert moi-même récemment.

L’histoire en question avance d’ailleurs une théorie sur le pourquoi de la présence de soufre dans la source :

(page 177). « Des gens comme vous, magiciens de tous bords, gadé-dzaffès, magouilleurs, personnalités politiques et puis les monstres, soucougnans, baclous, vampires et chiens noirs aux yeux rouges, dorlis et succubes, tous, ils étaient tous là, festoyant comme des fous, riant, criant, rotant et pétant. Pourquoi croyez-vous que la source est sulfureuse ? Ce n’est pas sans raison. Toutes ces manifestations d’êtres malsains, avides, et cupides demeurent dans la grotte et forment des blocs de soufre qui donnent à la source ces vertus curatives, croit-on. »

De plus, les événements se déroulant dans la grotte, racontés ici, seraient, selon l’auteure, également la cause d’un « dysfonctionnement » de la source dans le passé.

(page 178). « Vous rappelez-vous de ce vingt-six décembre mille neuf cent soixante-huit ? Les bains sulfureux de Sofaïa furent inutilisables, tellement l’eau était sale et boueuse et on s’en inquiéta pendant plusieurs semaines. La colère de Luciphélès en était la cause. C’est depuis ce jour que fut construite la chapelle Notre Dame auprès de la source.»

Soit l’auteure a énormément d’imagination, et a tout inventé, soit tout est vrai… Je vous laisse méditer là-dessus.

Le septième et dernier conte ressemble plus à une histoire vraie, telle une suite de faits divers que l’auteure raconte. Faits divers des plus mystérieux, auxquels, elle dit avoir assisté elle-même, qui mettent, selon moi, en avant la méchanceté des gens et leur façon d’utiliser le « quimbois » pour faire du mal à autrui.

(page 183). « Il était une fois d’étranges récits qui paraissaient des légendes et des racontars, mais qui étaient loin d’en être. J’ai réellement assisté à celui-ci et me demande encore comment la chose a pu avoir lieu. »

Car oui, qu’on y croit ou pas, surnaturel ou pas, magie noire ou pas, certaines personnes font bien du mal consciemment à d’autres soit par vengeance, soit pour le plaisir, et cela peut aller parfois jusqu’au décès ; meurtre donc (appelons un chat, un chat). Et pour ce faire, ces personnes malveillantes utilisent évidemment ce qui attire le plus le commun des mortels : l’argent, le pouvoir, et/ou le sexe. Mais, comme on dit « tout ce qui brille n’est pas or » et il faut toujours rester sur ses gardes face aux tentations de tout genre.

Pour terminer, je partagerai avec vous un de mes passages HOT préférés, où l’auteure décrit la petite gâterie, qu’un de ces personnages « Madame Josèphe » aime par-dessus tout, appelée « Le Plaisir de la Chaise ».

(page 101).

« […] écartant les cuisses, toujours sur sa chaise (trouée ; ndlr), elle lui avait dit :

- Passe là-dessous et lèche-moi la chose !

Obéissant, Jacoudou s’était couché par terre sur le dos, et excité par l’odeur d’amande douce fraîche qui émanait du sexe longuement fendu et charnu de sa femme, il y avait collé sa bouche et happé le tout, passant sa langue pointue entre les lèvres, insistant particulièrement sur la petite grotte où se cachait le clitoris, qui durcissait au fur et à mesure de la dégustation, tellement excité qu’il en était sorti de son renfoncement et pointait pour le plus grand plaisir de Jacoudou qui le titillait en lui donnant de vigoureux petits coups de langue, puis le mordillant doucement. Madame Josèphe qui mouillait de plus en plus, se tortillait sur sa chaise et commençait à gémir, le plaisir extrême montant au fur et à mesure que son mari, vorace, lui dévorait le coquillage, en lapant sa substance avec de grands bruits de succion. Toute à son affaire, la bouche de Jacoudou se remplissait d’un petit liquide au goût d’océan, salé, et légèrement acide et pour déguster encore plus cette merveille, il enfonçait sa langue dans la fente de cette vulve brûlante pour chercher au plus profond encore la liqueur de sa femme, qui coulait dans sa gorge comme du miel. Madame Josèphe se cambrait de plus en plus et, ce faisant, son petit bouton explosa en mille éclairs de jouissance dans la bouche de Jacoudou. »

Il ne manquait que le « Yékrik ?», « Yémistikrik ? » et le « Est-ce que la cour dort ?» au début de chaque récit, avant de plonger à corps perdu dans cet univers magique.

Codes traditionnels entre le conteur et son public/auditoire pour s’assurer que tout le monde est bien attentif, durant des veillées ou autres manifestations.

Pour ceux et celles, créolophones ou non, qui ont toujours voulu en savoir plus sur le « kenbwa » de chez nous, c’est une des meilleures façons de le (re)découvrir. Avec de beaucoup d’humour et de piment.

Bonne Lecture !

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